lundi 19 septembre 2011

UTMB : l'équipe Dassault réussit l'exploit!

Le récit de la course

Saint-Nicolas de Véroce, le Coin du feu, c'est le nom du restaurant où nous avons décidé de festoyer le lendemain soir de l'arrivée de notre Ultra Trail du Mont Blanc : Didier, Jérôme, Bertrand, Benoit et moi. Au début du repas, Didier a pris la parole : "Bon, les gars, il faut le faire,..., à la fin du repas pour ne pas y revenir...", évoquant ainsi notre habitude d'après course : enregistrer sur vidéo une séance de débriefing à chaud de la course : l'exercice consiste à s'exprimer seul face à la caméra pour évoquer les impressions ressenties durant la course. Cette habitude, elle a commencé deux ans plus tôt lors de notre première course ensemble : Les Templiers (70 kms/3000m D+). Ensuite, nous nous sommes livrés au même exercice l'an dernier à l'issue de la CCC, course qui fait partie de l'événement de l'UTMB : c'est la première marche de ce groupe de courses avec ses 98 kilomètres et ses 5700 m de dénivelé positif. L'an dernier, cette course nous avait laissé entre autres impressions, celle de l'inachevé, car les conditions dantesques avaient conduit l'organisation à arrêter notre course au bout de 80 kilomètres et 4700 de D+, nous privant d'un des grands moments de ce type d'épreuve : l'arrivée à Chamonix, avec ses deux kilomètres de haies d'honneur avant de franchir la ligne finale... Nous avions vu l'arrivée de l'UTMB de remplacement et ressenti l'émotion incroyable qui se dégage à l'arrivée de chaque coureur : elle est la même pour le premier comme pour le dernier.

Mais revenons à cette séance de débriefing : effectivement, après un repas (réparateur) alors que chacun d’entre nous espérait que les autres avaient oublié, Didier nous rappelle à l'ordre. Je me lance en premier, assez sûr de moi, car j'ai le sentiment d'avoir des quantités de choses à raconter, tellement je suis encore sous le coup de l'émotion ressentie durant cette course hors du commun... mais, surprise, après quelques phrases, je me rends compte qu'il sera difficile de parler ainsi de tout ce que je voudrais exprimer. Alors, je me décide à décrire en synthèse l'impression la plus forte : je laisse de coté l'aspect exploit sportif surhumain et individuel, pour insister sur ce qui m'a marqué le plus : le sentiment d'avoir réalisé un exploit au sein d'un groupe qui a soutenu successivement chacun de ses membres et a su rester soudé durant cette épreuve terrible. Par contre, comment l'exprimer avec justesse en quelques phrases vis-à-vis des personnes qui verront cette vidéo ? Mes compagnons se lancent alors à ma suite dans l'exercice, et, je pense, ressentent la même phénomène que moi : c'est effectivement très difficile... aussi vais-je essayer de revenir sur certaines anecdotes relatives à ces 44h55 ...

D'abord, il faut vous dire que rien ne s'est déroulé comme prévu dès le début de la première journée de la course. D'ordinaire, le départ est donné à 18h30, ce qui nous oblige à vivre une inconfortable journée d'attente jusqu'à cette heure-là : surtout, essayer de ne faire aucun effort physique en prévision de la course, tâcher de faire une très longue sieste l'après-midi pour compenser le manque de sommeil qui va suivre (évidemment, cela ne marche pas du tout, sauf pour le bienheureux Jéjé...)... bon ,on vérifie 50 fois son matériel, on regrette déjà de ne pas avoir pris telle ou telle chose, vu les conditions météo, on change 10 fois d'avis sur la tenue à porter. C'est une torture assez insoutenable : on préférerait finalement les départs des ultras à 4h00, qui imposent un lever à 2h00, c'est finalement plus facile nerveusement car on n'est pas bien réveillé... Eh bien là, l'organisation nous en a rajouté une couche supplémentaire : départ décalé à 23h30... Oups ! Tous les plans sont chamboulés : les jolis plans de marche, impeccablement calculés et mis sous plastique sont tous inutiles ! Ainsi que tous les repères qu'on avait mis du temps à intégrer : levée du jour au Col de la Seigne, Courmayeur vers 10h00. En plus, le tracé final est modifié : on verra les 10 derniers kilomètres en fond de vallée entre Argentière et Chamonix. Bon, c'est aussi un soulagement, car les prévisions météo, annoncées assez catastrophiques nous ont fait craindre un instant l'annulation de la course, comme l'an dernier (en effet, passage orageux dans la soirée, puis pluie, neige à partir de 2000 m et -10 ressenti au col du Bonhomme). Il faut dire que la plupart des coureurs font une reconnaissance du parcours dans les deux mois avant (c'était mon cas!) et tout changement de dernière minute est assez perturbant pour ceux qui se sont déjà projetés dans la course par cette reco. En plus, c'est aussi quelques heures d'attente en plus, occupés à vérifier 25 fois de plus le matériel, au cas où...

Bon, enfin le départ : dépôt des sacs pour le ravitaillement de mi-course au gymnase de Chamonix et il s'agit maintenant de ... sortir du gymnase sous la pluie battante, en pleine nuit, pour gagner la ligne de départ ... et partir pour .... 166 kilomètres et 9500 de D+ : il faut être un peu fou pour oser un truc pareil. En fait, c'est plus facile que cela parait ... tellement on est soulagé lorsqu'on arrive sur la ligne de départ. Je me souviens d'une interview de la première femme en 2009 (Lizzy Hawker, qui a gagné encore cette année) : "...pour moi, le plus dur, c'est d'arriver jusqu'à la ligne de départ : après on verra ce qui se passera..." : maintenant, nous comprenons parfaitement ce qu'elle a voulu dire.

Le départ enfin, dans l'enthousiasme : le sentiment d'une énorme volonté se dégage de ce peloton, qui se met lentement en branle dans les rues étroites de Chamonix : nous y voyons des dossards de nationalités incroyables : Malaisie, Argentine, de nombreux japonais. Cela fait un peu peur : serons-nous au niveau, face à ces coureurs de toute la planète. De plus, c'est pour nous le saut dans l'inconnu : quelle allure adopter ? Trop vite et on ne finira pas, trop lent et ce sont les barrières horaires qui nous arrêteront. D'un point de vue stratégie d'équipe, deux choses ont été convenues entre nous : on part en groupe et on y restera au maximum, sauf gros pépin de l'un entre nous, et, selon les paroles martiales de Didier : "la fatigue ne sera pas un motif d'abandon...". De mon coté, j’en rajoute une couche : « l'abandon n'est pas une option ». C’est le genre de phrase plus facile à prononcer avant le départ que pendant la course !

Premier ravitaillement (les Houches, km 10), c'est presque la catastrophe : j'ai l'habitude de partir (trop) vite, et du coup, j'ai perdu les autres, donc je les attends. Je récupère Bertrand et Benoit, mais au bout de dix minutes, le peloton commence à s’éclaircir et pas de Jéjé ni de Didier : en fait, nous nous sommes loupés (c'est 00h30 et il tombe des cordes...) et ils sont passés devant. Inquiets, nous repartons pour l'étape suivante : Saint-Gervais. Il faut vous dire que dans un ultra, il y a toujours une première phase de fraicheur, qui dure 30 à 40 kilomètres où on court agréablement... mais cela ne dure pas. Jusqu'à Saint-Gervais, c'est d'abord la première grosse bosse à monter, puis une descente très glissante... tellement glissante que je tombe et casse un bâton : cela promet pour la suite. Heureusement, je peux faire une réparation de fortune assez efficace avec l'élastoplaste du matériel obligatoire... et, énorme chance, je devrais pouvoir récupérer un bâton de remplacement grâce à mon épouse qui doit nous rejoindre aux Chapieux.

Arrivés à Saint-Gervais avec Bertrand et Benoit, pas de Jéjé ni de Didier : nous commençons à nous inquiéter et nous décidons de les joindre à l'aide des téléphones portables (matériel obligatoire). Pas de réponse, mais nous laissons un message et au bout de 10/15 minutes, nous repartons : la pluie a cessé mais laisse place au froid : tout va bien.

Enfin les Contamines vers 4h00 et le téléphone se décide à sonner : Jéjé et Didier se sont arrêtés au gite où nous sommes hébergés (aux Contamines) pour se changer et repartir avec des tee-shirts secs (et accessoirement propres... pour ma part, suite à ma chute dans la descente de Saint-Gervais, je suis repeint en marron). Ainsi, l'équipe est à nouveau ensemble, prête à repartir pour les étapes suivantes : Notre Dame de la Gorge, puis La Balme et enfin le Col du Bonhomme (2500 m) avant de redescendre sur les Chapieux. Nous avons parcouru les distances max parcourues lors des entrainements (30 à 40 kilomètres) si bien que les premiers coups de mou sont ressentis, d'autant que c'est la fin de la nuit (blanche) : dans la montée à la Balme, Benoit accuse le coup et on décide de le mettre devant pour nous donner le rythme de montée. Au col du Bonhomme et la traversée (longue) jusqu'au col de la croix du Bonhomme (vous suivez, j'espère...), nous trouvons les -10° ressentis et la neige au sol, ce qui surprend toujours fin août... retour ou avancée brutale vers l'hiver. Heureusement, après un col d'altitude, il y a toujours une descente (celle-ci de 1000 de D-), qui réchauffe, mais fait (déja) mal aux quadriceps.

Bon, c'est les Chapieux : grâce à mon épouse Karine, qui va nous suivre jusqu'au bout à chaque ravitaillement accessible, je peux échanger mon bâton cassé contre un en bon état, que Didier, très prévoyant, lui avait confié avant le départ de la course). C'est déjà une étape, car on a changé de vallée pour la commune de Bourg Saint-Maurice et l'ambiance est différente. Ensuite, c'est d'abord une remontée sur route goudronnée jusqu'à Ville des Glaciers (un hameau de 5 maisons): durant la reconnaissance, j'avais l'espoir de courir sur cette montée assez douce et roulante. En fait, ce n'est possible que pour les élites (et encore!).

La prochaine étape est la montée au Col de la Seigne, qui constitue la frontière entre France et Italie : dans l'interview du vainqueur (Kilian Jornet), celui-ci racontera avoir vu une lumière exceptionnelle en passant à ce col : normal, il y est passé au petit jour. Pour nous, ce fut très différent : neige au sol et à l'horizontale (-10° ressenti au moins), visibilité très réduite, ambiance tempête en montagne. A ce moment, on ressent le coté du visage qui se saisit de froid et on pense que, finalement, le matériel imposé par l'organisation n'est pas si inutile que ça, notamment les bonnets et gants imperméables, dont on se moquait avant la course... on aurait même pu prendre plus chaud sans problème. Et ce col de la Seigne, où est-il donc ? on a vraiment l’impression qu'il s'éloigne au fur et à mesure qu'on avance.

Enfin, c'est la descente sur le Lac Combal : c'est l'italie et tout de suite quelques degrés en plus (c'est peut-être un peu psychologique, non ?) Là, c'est Bertrand qui commence à souffrir de tendinite au tibia (releveurs) durant la descente : au poste de secours, on lui propose d'arrêter... comment ose-t-on proposer cela à notre Béber ? qui repart avec nous aussi sec...

Très bel endroit ce lac Combal, surtout pour moi qui pratique un peu l'alpinisme : la vue sur l'arête de Peuterey et sur le glacier remontant vers la voie italienne du Mont-Blanc me plonge dans les récits épiques des grands alpinistes et me donne le frisson.

Après avoir bien profité de ce superbe endroit, c'est la remontée sur l'arête du Mont-Favre (vues d'hélicoptère figurant dans les reportages de France 2 et TF1), bien casse-pattes, puis la descente sur Courmayeur via le col Checrouit : au passage, je discute avec Giacomo, le patron du refuge qui m'a hébergé durant ma reconnaissance, et qui me traite comme un ami de vingt ans. J'en profite pour faire un peu de pub : si vous faites le tour du Mont-Blanc, en courant ou simplement en marchant, tachez de vous arrêter à ce refuge pour la nuit. Le couchage est moyen, mais quelle ambiance italienne ! et l'intérieur du refuge mérite largement d’y passer la soirée.

Courmayeur : kilomètre 78, c'est moitié de la course, après une descente ... comment dire... mortelle pour les quadriceps, car super-raide. J'ai la chance, avec Bertrand, d'avoir ma famille à ce ravitaillement, car c'est l'étape-clé de la course : c'est la moitié, certes, mais c'est aussi le départ de la CCC, effectuée l'an dernier, donc on sait très bien ce qui nous attend et pourtant, on commence à être déjà bien atteint. Heureusement, il y a le sac et la possibilité de se changer : que c'est bon de changer de chaussettes... sans parler d'une bonne assiette de pâtes. Par contre, il ne faut pas planter la tente, car les barrières horaires commencent à devenir légèrement pressantes.

A la sortie de Courmayeur, sous le soleil italien (25°?), c'est la montée vers le refuge Bertone (800 D+) : on se met en mode "montée" et on débranche le cerveau... Visiblement, Didier a oublié ce principe car, arrivé 40 mètres derrière le groupe à Bertone, il a un gros coup de blues et nous propose de le laisser seul à l'arrière pour ne pas pénaliser le groupe. On lui fait prendre une bonne soupe chaude (avec le retour en altitude, il y a aussi le retour du froid, et c'est la soirée qui commence). Je décide de repartir avec lui avant les autres, car il est important de bien courir sur l'étape qui suit entre Bertone et le refuge Bonatti, sur ce sentier fabuleux en balcon, fait pour la course à pied. Le spectacle du coucher de soleil sur les Grandes Jorasses a vite fait de remonter notre Didier : c'est reparti... A partir de Bonatti, il faut remettre en service les lampes frontales : que la journée est passée vite ... tant mieux !

La prochaine étape est Arnuva, c'est-à-dire d'abord du sentier en balcon, puis une grosse descente. Hélas, c'est du sentier en mono-trace et chaque dépassement de concurrent est coûteux. Aussi, le groupe, à nouveau réuni, se trouve freiné par un autre groupe devant : nous approchons le centième kilomètre et du coup, nous restons derrière... Par contre, les estimations de temps de passage nous montrent que nous flirtons dangereusement avec les barrières horaires, mais bon, ça devrait aller (effectivement, une demi-heure a été rajoutée sur ce ravito). Ce passage est l'occasion de s'engueuler avec d'autres concurrents (féminines et étrangères), qui estiment que nous devrions nous pousser pour les laisser passer, car nous sommes près des barrières horaires : ce n'est pas l'usage ni sur une course ni sur un trail (s'il faut s'arrêter pour laisser passer quelqu'un qui le demande alors qu’il est derrière, on s'en sort plus !). Bon, surtout qu'au final, la barrière était finalement large avec la demi-heure rajoutée à ce ravito.

La prochaine étape est le Grand Col Ferret (900 m D+), frontière Italie/Suisse que nous passons vers 00h00 dans un froid glacial (cette fois-ci c'est le froid aux mains qui est douloureux), avant d'arriver à la Fouly : mauvaise surprise, le parcours, que nous voyons facilement grâce aux petites lumières des frontales dans la nuit, a été modifié par rapport à ce que nous connaissons. La petite heure qu'il faut pour descendre du Col est transformée en deux heures de grosse descente avec passages scabreux, puis remontée sur l'alpage d'en face et enfin redescente sur la Fouly. Et là, les estimations de temps d'arrivée à la Fouly nous laissent perplexes : il est possible de buter sur la barrière horaire... déjà à Bertone, où le stress des barrières horaires était apparu, nous avions tous convenu en groupe : " on se battra jusqu'au bout, quitte à partir sur une étape avec peu de chances d'arriver avant la barrière horaire...". Donc, avant La Fouly, on en met un coup pour arriver au mieux vis-à-vis de la barrière. Au final, on arrive à 15 minutes de la barrière... ça commence à chauffer pour nos fesses.

A ce moment, comme j'avais passé mes vacances précisément ici, à la Fouly, je propose aux autres la chose suivante : "il faut impérativement se reposer à la prochaine étape (c'est la deuxième nuit blanche), sous peine de ne pas finir : pour cela, comme je connais sur le bout des doigts cette étape, effectuée plusieurs fois à l'entrainement, vous restez derrière moi et surtout faites comme moi : quand je cours, il faut courir, quand je marche, marchez..."

Visiblement, ça fonctionne car nous arrivons à Champex avec 45 minutes d'avance sur la barrière, ce qui nous permet de nous octroyer royalement 15/20 minutes de sieste, c'est-à-dire plutôt 15/20 minutes allongés... ça parait ridicule, mais cela fait un bien fou. C'est l'occasion pour Didier, la star de l'équipe, de se faire interviewer par Eurosport, qui a aussi filmé le coucher de Jéjé.

C'est reparti pour Martigny, et une boucle qui a été rajoutée en pleine course, pour compenser le fait de ne pas pouvoir emprunter la traditionnelle montée de Bovine, rendue impraticable par les intempéries. Sur cette boucle, très peu d'informations : 10 kilomètres, 14 ?, quel dénivelé ? c'est l'inconnu. On nous dit juste que l'on "descend" sur Martigny (à 400 m d'altitude) pour remonter ensuite sur le Col de la Forclaz (1600 m) : en fait, on descend effectivement bien bas, mais pour remonter une première fois (400 m ?) afin de redescendre sur Martigny. Suit la montée sur le Col de la Forclaz, sous certainement 28° : une montée très raide, qui coupe le bout des lacets de la route du col, et peu abritée du soleil. Bertrand est un peu derrière et boit 2,5 litres d'eau dans cette montée.

A Martigny, Didier et Jéjé ont réussi à avoir une information intéressante de l'organisation : l'étape qui suit (Trient-Vallorcine) est la plus serrée en terme de barrière horaire ("le terme employé est 'osée''"). En conséquence, le repos à Trient est réduit au minimum... pourtant on en aurait bien besoin... je fais quand même quelques étirements.

Donc, ça repart pour Trient-Vallorcine, avec d'abord la côte de Catogne (900 m D+) , avec la stratégie de devoir s'arracher sur cette étape décisive... On le tient cet UTMB, Didier nous livre ses pensées intimes : « mais si je le termine pas, je ne pourrai pas porter le tee-shirt reçu avec le dossard… donc il faut terminer… » (sic). La côte se passe bien. En tous les cas mieux que l’an dernier à 4h00 du mat et sous la pluie. Quant à la descente qui suit, qui nous ramène en France (enfin !), est un vrai régal par rapport à la patinoire de l’an dernier au même endroit, qui donnait l’impression de faire du ski. Au passage au contrôle de Catogne, une jeune femme du service médical nous dit : « Vous en avez pour 1h20 en courant tranquillement, et 1h40 en marchant… ». Heureusement, nous avons appris à ne pas se fier à ce genre d’informations, qui part d’un bon sentiment pour celui qui la délivre, mais risque de tromper complètement ceux qui veulent y croire. Donc, on continue à foncer (dans la limite de l’état de fatigue…) jusqu’à Vallorcine. Il faut dire que cette fameuse fatigue commence à altérer sérieusement nos capacités intellectuelles : à ce moment, toute l’équipe sent qu’il faut assurer pour arriver jusqu’au bout : c’est gagné pour être finisher, mais il faudra éviter tout pépin, voire prendre un peu d’avance.

En l’occurrence, c’est moi qui commence à poser problème : à l’arrière du groupe au redémarrage de Vallorcine, je rabroue vertement Didier qui cherche seulement à me faire revenir avec les autres. Il faut vraiment se méfier de ses propres réactions dans cet état !

Passé Argentière, on aborde alors la dernière étape : le retour sur Chamonix. Il s’agit de la fameuse modification de parcours indiquée dès le départ de la course : le « fameux retour par le fond de vallée ». Comme je connais bien le coin (j’y suis allé 4 fois en vacances), je fais le malin en disant que je vois parfaitement où ça va passer : c’est d’abord un peu caillouteux sur 3 à 4 kilomètres, puis c’est un itinéraire genre sous-bois propice au footing dominical, le long du golf des Praz : que du bonheur ! on va pouvoir reprendre une foulée de gazelle pour arriver avec beaucoup d’élégance à Chamonix, d’autant que nous disposons de plus de deux heures pour le faire vis-à-vis de la barrière horaire. En fait, je n’y crois qu’à moitié, car je trouve cela un peu suspect, ces deux heures pour faire 10 kilomètres en descente ! Le stress s’empare du groupe : est-ce bien vrai, cela parait trop beau, et effectivement … à l’endroit où le chemin devrait descendre pour le vrai fond de vallée, les balises nous imposent de prendre l’autre chemin… celui qui monte, monte. Je sens le stress du groupe monter. Je me suis un peu discréditer sur ce coup-là : ça m’apprendra à faire le malin, mais ça partait d’un bon sentiment… Pour vous montrer le stress qui s’installe, voici une anecdote :

- Jéjé, en train de marcher, et qui paraissait super-frais 5 minutes plus tôt : « dites les gars… on passe par là au retour ? »

- Benoit/ Bertrand après de longues secondes de réflexion : « pourquoi tu demandes ça ? »

- Jéjé : « Ben, je crois que je vais dormir un peu sur le bord du chemin dans ma couverture de survie et vous me récupérerez au retour avec le camion… »

- Benoit/ Bertrand : « Jéjé, tu sais qu’on est en train de terminer l’UTMB, quand même ? »

- Jéjé : « … «

Après a suivi un moment de confusion et de tension indescriptible, qui nous a permis de nous expliquer sur les tensions dans le groupe… avant d’entamer la traversée de Chamonix en formation d’escadrille à 5, soudés comme les doigts de la main.

LA TRAVERSEE de CHAMONIX… ça, c’est un grand moment ! D’un coup, on passe des chemins boisés à la nuit tombante aux lumières de la ville, de la solitude (ou presque) à la foule des grands jours. Même si nous sommes les 1000e à arriver, c’est encore les acclamations dignes des héros. D’un coup, pour le dernier kilomètre, la fatigue s’évanouie, les ampoules aux pieds n’existent plus, la foulée de forme revient par miracle… c’est plus que le bonheur ! Pour Bertrand et moi, encore plus car nos épouses et nos enfants viennent courir la dernière ligne droite avec nous. En plus, notre arrivée en groupe a été remarquée dès l’entrée dans Chamonix et le speaker nous remet la musique de Vangelis, hymne de l’UTMB. Enfin, la ligne d’arrivée … 170 Kilomètres, 9700 m de D+, on a du mal à le croire tellement ça parait énorme, mais on l’a fait ! ce sont les embrassades et les pleurs pour tout le groupe, tellement l’émotion est grande : c’est fini, et c’est fini avec et grâce aux copains. Je rajouterai aussi pour moi grâce à mon épouse et à mes filles Garance et Eugénie. La directrice de course, Catherine Poletti est là, car elle a à cœur, depuis 9 ans, à accueillir personnellement tous les finishers, mais devant les effusions entre membres du groupe, elle n’arrive pas à en placer une…

Voilà, c’est sur ce tableau que s’arrête ce long récit : vraiment un grand moment inoubliable… encore merci à toute l’équipe pour ces instants magiques.